La Terre les sépare mais
le monde des Inuits et celui des Aborigènes se confondent sur les chemins de l'art. L'exposition «Grand nord, grand sud», à l'abbaye de Daoulas, en propose une captivante
démonstration.
«Il faut arrêter de dissocier art primitif et art contemporain. C'est un faux
débat. Sans le moindre intérêt scientifique», s'emporte Michel Côté. Contre le courant des grands manitous de l'art qui décrètent les époques et les styles à la mode, le directeur du bien nommé
musée des Confluences, de Lyon, trouve de l'eau à son moulin à l'abbaye de Daoulas: «Ici, nous retrouvons des oeuvres de personnes qui expriment leur tradition de manière contemporaine. De l'art
avant tout».
Combat contre l'assimilation
De fait, il est difficile de donner un âge à la plupart des160oeuvres exposées jusqu'au 28novembre à Daoulas. Ni même, parfois, de déterminer s'il s'agit d'une pièce inuit ou aborigène. À quoi
bon, finalement? Pourquoi vouloir absolument tout classer, tout séparer? «Gardons-nous de comparer les cultures et voyons plutôt ce qui les rapproche», conseille plutôt Michel Côté. D'autant
qu'entre un peuple des glaces et un autre du désert, il existe bien plus de points communs que l'on imagine. Notamment: «Il s'agit de deux communautés confrontées à la problématique de la
conservation d'une culture dans un Monde mondialisé où elles sont très minoritaires. Comment rester soi-même dans une culture internationale? Pour les sociétés inuits et aborigènes, l'art sert à
raconter leur Histoire, à s'affirmer politiquement et socialementdans un combat contre l'assimilation». Voilà qui trouve une résonance particulière dans la culture bretonne.
Créations d'artistes du XXIesiècle
Les oeuvres rassemblées par l'expo «Grand nord, grand sud», débordent toutefois de la simple fonction d'exercice de la mémoire collective:«Elles mettent en lumière les travaux de véritables
créateurs qui ont réinterprété les formes et les matériaux». Avec le brio d'artistes aborigènes du XXIesiècle s'exprimant dans des poteaux funéraires, des tapis géométriques où s'entrecroisent
les mondes réel et imaginaire, des tableaux aux pointes mouvantes. Même réappropriation de la tradition chez leurs homologues inuits dont certaines pièces comme La création du Monde (agglomérat
de visages et d'animaux d'inspirations chamaniques dans un os de baleine) et autres sculptures dans des crânes de morse ou des dents de narval possèdent une valeur exceptionnelle.
Pratique «Grand nord grand sud», à l'abbaye de Daoulas, jusqu'au 28 novembre. Exposition visible tous les jours (sauf fermetures le samedi et le lundi) de 13h30 à 18h30 (de 10h30 à 18h30
en juillet et août).